La défaite de 1871 incite la France à multiplier les forts dans les régions frontalières, pour se protéger d'éventuelles invasions venues d'Allemagne ou d'Italie. Six forts sont notamment construits pour protéger Grenoble par des croisements de feux : Saint-Eynard, Bourcet, Comboire, Montavie, Quatre-Seigneurs et... le fort du Mûrier à Gières.
1878-1978 : un siècle dans l'armée Ecoutons Robert Bornecque, historien et spécialiste d'architecture militaire : "Le fort du Mûrier, construit à Gières entre 1873 et 1878, est le plus puissant de la série. Il reproduit un modèle fréquemment utilisé. C'est un quadrilatère limité par un fossé. Des casemates voûtées couvertes de terre entourent une cour centrale. La défense rapprochée est assurée par un chemin de ronde et des “caponnières doubles”, saillies de maçonnerie qui coiffent les angles et permettent de battre les fossés. Le rôle du fort est d'interdire l'approche de Grenoble à des troupes ennemies arrivant de Chambéry. Des batteries sont édifiées sur la crête alignée devant le fort, protégées par des levées de terre. Elles sont renforcées par d'autres batteries (hautes et basses) disposant de leurs propres casemates à munitions. Au total, le fort peut mettre en jeu 32 pièces de canon qui croisent leurs feux avec ceux du Bourcet. L'effectif complet compte 542 hommes et officiers.
“Vers 1880, l'apparition de “l'obus torpille” va rendre ce type de forts très vulnérable. L'usage du béton armé, de tourelles en acier, tentera de les adapter. Ceux de Grenoble, moins menacés, n'ont pas subi de modifications. Le Mûrier est donc le témoin d'une génération d'ouvrages qui compte peu d'exemplaires conservés dans leur état originel. Ce fort doit être sauvé : son intérêt architectural aussi bien qu'historique méritent amplement l'effort conjugué de tous !”.
· 1978 : l'armée quitte le fort du Mûrier et le met en vente. La commune, intéressée par le site exceptionnel qu'occupe cet ouvrage d'art, s'en porte acquéreur.
1983-1993 : dix ans de réflexion, de mobilisation et de recherche de financement
· 1983 : après cinq ans d'inoccupation, la question se pose à la municipalité de savoir ce qu'il convient de faire de ce monument : le laisser se dégrader pour l'abattre un jour, ou le remettre en état et prévoir son utilisation ? Le groupe de travail sur l'histoire de Gières, qui fonctionne au sein de la municipalité, consulte historiens, architectes et techniciens. Il ressort des études menées que le fort peut être sauvé et que sa valeur mérite que l'on s'en préoccupe. Le groupe de travail s'élargit à une “Association des amis du fort du Mûrier” destinée à étudier et populariser des projets de sauvetage et d'utilisation du fort. Depuis 1986 : une fête du fort est organisée chaque année, autour de quatre activités : une visite guidée du fort, des expositions très variées (fortifications, vie agricole, peinture et sculpture, etc.), une animation musicale et des spectacles (théâtre, danse, cirque...), sans oublier buffet, buvette et illuminations ! C'est désormais, à l'occasion des Journées européennes du patrimoine, un rendez-vous annuel pour l'ensemble de l'agglomération grenobloise.
Depuis 1993, une restauration en bonne voie Dès 1993 : les premiers financements se dégagent. Un chantier de déboisement est d'abord réalisé grâce à l'ADFE (Association dauphinoise pour la formation et l'emploi), entreprise grenobloise d'insertion sociale. Les premiers travaux sur le bâtiment débutent en juillet, avec un chantier de jeunes bénévoles du Club du vieux manoir, une association nationale de restauration de lieux historiques. Depuis lors, l'ADFE poursuit chaque année, d'avril à septembre, les travaux d'étanchéité qui se sont étalés sur 7 ans (1993 à 1999). 1994 voit l'inscription du fort à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. La même année, la restauration du fort est retenue dans le contrat de plan entre l'Etat et la région Rhône-Alpes. Il reçoit à ce titre des aides de l'Etat, du conseil régional et du conseil général, qui permettent d'achever l'étanchéité et les réseaux de drainage des eaux pluviales des deux ailes du fort, et de débuter l'isolation des murs de façade. Cette période voit aussi l'occupation d'une quinzaine de casemates par des ateliers d'artistes, l'installation en 1995 d'une exposition permanente sur les fortification grenobloises, puis d'une deuxième exposition, en 1997, sur l'histoire de l'agriculture de la colline du Mûrier.
La suite des travaux (2000-2006) a concerné notamment la poursuite de la réfection des façades, puis le remplacement des huisseries et la rénovation intérieure des salles au bénéfice d'ateliers d'artistes et de salles d'exposition.
Aujourd'hui, le fort du Mûrier ne fait plus partie du patrimoine communal, il a été cédé par la ville à un collectif d'occupants et de riverains il y a quelques années.